VILLES ET METROPOLISATION

L’IFEA aborde depuis les années 1970 la métropolisation et ses enjeux, dont les réalités et les angles d’approche ont évolué avec le temps. Le phénomène de concentration des hommes et des richesses dans une ou plusieurs grandes métropoles a d’abord été interrogé au regard de l’évolution des réseaux urbains et des relations des villes avec leur environnement. Le contexte de croissance démographique accélérée invite la recherche à étudier les dynamiques des quartiers populaires, la production de logements ou encore l’accès au sol urbain, en privilégiant une approche comparative à l’échelle régionale. Ainsi, depuis le début du XXIe siècle, les changements dans le phénomène d’urbanisation impliquent une évolution des thématiques de recherche. Avec des taux de croissance moins rapides, mais toujours en expansion, les villes des pays andins s’inscrivent dans la mondialisation des économies et des sociétés et présentent de nouveaux paysages sociaux. Ces changements renouvellent la question des inégalités, à laquelle s’ajoutent les défis de la gouvernance et les enjeux environnementaux.

Les recherches actuelles menées au sein de l’IFEA privilégient trois entrées thématiques :

• Les infrastructures et services urbains : dans un contexte d'affaiblissement des pouvoirs publics et d'émergence de nouveaux acteurs, l’accès des populations aux services essentiels (eau, assainissement, traitement des déchets, transports, etc.) tout comme les nouvelles revendications d’une classe moyenne émergente (mobilité douce) éprouvent la gouvernance urbaine.

• La durabilité des villes : le changement climatique ou la gestion des catastrophes émergent comme un nouveau champ d’action où les villes occupent une place privilégiée.

• L’informalité urbaine : souvent stigmatisée, elle caractérise pourtant une diversité des relations entre administrés et gouvernants : alternatives, bricolages et autres expériences de fabrique urbaine se confrontent aux capacités des gouvernements locaux, questionnant les normes et les relations de domination du projet urbain.

 

Programme MODURAL - La pratique des mobilités durables dans les métropoles d’Amérique latine : étude comparée de Bogotá (Colombie) et Lima (Pérou), financé par l’ANR

 

Coordination : Vincent Gouëset, professeur de l’Université Rennes 2 et Florent Demoraes, maître de conférences de l’Université Rennes 2. Jérémy Robert est le responsable du projet pour l’IFEA

En prenant pour objet les navettes quotidiennes vers le lieu de travail ou d’étude son but est d’identifier les freins et les leviers qui limitent ou au contraire facilitent l’adoption de pratiques de mobilités plus durables. Le projet s’intéresse en priorité aux périphéries populaires, caractérisées par une grande vulnérabilité socio-économique, une offre de transport déficiente et une mauvaise accessibilité aux centralités urbaines (emploi, éducation et services). Impacté dès le démarrage par la crise de la Covid-19, il a également intégré les effets de la pandémie sur les mobilités quotidiennes dans ses objectifs de recherche. Bogotá et Lima sont deux mégapoles marquées par une forte ségrégation et un étalement urbain qui rejettent en périphérie les jeunes ménages et les classes populaires, loin des emplois qui sont concentrés dans les espaces centraux. Les trajets domicile-travail s’effectuent sur de longues distances et dans des conditions pénibles, car l’offre de transports collectifs est déficiente et saturée, et l’automobile est inaccessible aux populations modestes. Dans ce contexte, la question des mobilités durables représente un défi majeur. Le projet repose sur un constat simple : au terme d’un demi-siècle d’une croissance urbaine inégalée, les capitales latino-américaines se sont converties en grandes mégapoles où la mobilité est devenue un casse-tête quotidien pour les citadins. Dans ce contexte, quels facteurs pourraient faciliter l’adoption de modes ou de pratiques plus durables dans les périphéries populaires, et quels seraient les obstacles qui pourraient la limiter ? Comment promouvoir ces formes de mobilités durables, tout en améliorant la qualité de vie des populations ?

Carnet hypothèses du projet MODURAL

 

PROJETS INDIVIDUELS

 

Aurélie Quentin - Université Paris Nanterre - UMR LAVUE : Néolibéralisme et construction de citoyennetés urbaines : l’accès au logement des classes populaires à Medellín

Le projet vise à approfondir la compréhension que l’on peut avoir des liens entre la néolibéralisation des espaces métropolitains et la mise en place de politiques urbaines « progressistes ». Il porte sur des espaces qui ont fait l’objet dans les années 2000 de programmes urbains visant l’accès au logement des classes défavorisées. Il consiste à étudier les espaces produits par ces interventions positionnées comme socialement innovantes et inclusives, pour comprendre comment leur processus de production et la manière dont ils fonctionnent aujourd’hui contribuent à façonner les subjectivités politiques des citadins qui les habitent et à leur octroyer des formes spécifiques de citoyenneté urbaine.

 

Irène Valitutto - Décentralisation, gouvernance métropolitaine et risques, Une analyse comparative entre Lima et Tunis.

Le projet se propose d’analyser le processus de globalisation des politiques de gestion des risques et catastrophes à travers l’étude comparative de deux réalités métropolitaines du Sud, très différentes pour leur contexte social, politique et économique : la ville de Lima et cela de Tunis. La problématique porte sur la traduction locale du cadre international du Sendai Framework, qui représente les principes et les standards concernant la gestion de risques et des crises, à mettre en place au niveau globale depuis 2015. Ainsi, dans le cadre de cette approche comparative entre Lima et Tunis, ce travail cherche à comprendre les pratiques de trois classes d’acteurs : les pouvoirs territoriaux locaux, l’appareil sécuritaire (protection civile, armée, police etc.) et la société civile (y compris les agences de coopération internationale aussi que les agences de Nations Unies).

 

Jonathan Vega Slee - Master en anthropologie et sciences sociales

La recherche porte sur une problématique actuelle : la stigmatisation du quartier Surquillo, situé dans la Zona de Alta Renta (zone à haut revenu) de Lima. La recherche sur la question urbaine au Pérou a omis la présence des quartiers et districts populaires de la Zone Centrale Traditionnelle (ZCT) de la ville de Lima, concentrant son attention sur les bidonvilles de la périphérie. C’est ainsi que s’est construite la dichotomie centre/périphérie, une double image de Lima fondée sur l’attribution de valeurs antagonistes qui marquent les distances et les différences sociales entre les deux : les riches et les pauvres, les créoles et les andins/indigènes, les modernes et les traditionnels, les dynamiques et les dépendants. Ainsi, la ZCT de Lima était considérée comme homogène, l’espace préféré de la classe supérieure. Cependant, la présence de quartiers populaires dans la ZCT rompt cette représentation. Ainsi, les quartiers ouvriers des premières décennies du XXe siècle, dont certains sont devenus des quartiers (comme La Victoria, Rimac, Breña, Lince et Surquillo), ont été partiellement omis en tant que sujets de recherche. À partir du cas de Surquillo, J. Vega Slee réfléchit à la construction sociale des quartiers marginalisés et stigmatisés de la zone centrale traditionnelle de Lima.